En écho à mon article sur le Krav Maga et les mythomanes du mois de septembre, je souhaite ce mois-ci aborder la notion de légitime défense…
Je vois de magnifiques videos sur le net où, si la technique de désarmement est parfois franchement hasardeuse, le « plantage de couteau dans gorge » est toujours carrément assumé, généralement assorti de bons gros cris gutturaux… (C’est un « package » : on bombe le torse, on montre ses muscles, on prend une grosse voix bien grave, et tout ça nous donne une magnifique machine de combat invincible…). Par exemple ICI… Ah : non là j’ai pas de chance… Notre expert avait constaté qu’il n’y avait qu’un seul agresseur, et donc ce n’est pas très grave que le couteau aille voler à 2 mètres (heureusement il ne doit pas y avoir de passants non plus), ce qui permet aussi (le fait qu’il n’y ait qu’un unique agresseur) de finir au sol sur un magnifique jugi gatame avec frappe « post chute » en criant « un chat ! » (faire du bruit pour désorienter, c’est important !). Bon, prenons un autre exemple alors… ICI ? Ah non plus !!! J’ai pas de chance avec celui-là ! (au fait le couteau il est derrière si vous le cherchez, parce que lui le cherche aussi). Bon, ICI par exemple…
Or, n’oublions pas trois notions : primo, notre réponse doit toujours être proportionnée à l’attaque que nous avons subie; secundo si l’on se retrouve armé alors que notre agresseur ne l’est plus, la notion de légitime défense ne tient plus si nous devons utiliser cette arme contre lui (elle s’inverse même). Tertio, les videos captées sur le net et réalisées par des israéliens omettent de rappeler qu’Israël est toujours en guerre avec plusieurs des états voisins et que chaque citoyen de ce est susceptible de devenir soldat du jour au lendemain, ce qui est loin d’être notre cas en France. La configuration « psychologique » n’est donc pas du tout la même.
Il nous faut donc adapter tout cela…
1/ Si nous sommes agressés avec une personne armée, notre réponse peut être totale (si la fuite n’est pas l’option la plus sûre) : nous sommes (normalement) couverts par le principe de légitime défense.
2/ Si nous désarmons l’adversaire, nous ne pouvons utiliser l’arme contre lui en raison du concept de légitime défense car nous deviendrions alors agresseur… il s’agit plus de la contrôler et d’éviter qu’elle ne se retrouve dans ses mains à nouveau. C’est la raison pour laquelle nous frappons avec le manche du couteau après un désarmement et non avec la lame, comme nous pouvons le voir ICI. A noter qu’avec un pistolet, nous frapperons avec le canon, non pas pour provoquer une blessure par arme à feu, mais parce que il est plus sécurisant pour nous de frapper de la sorte au cas où un coup de feu partirait accidentellement.
3/ Les militaires ne prennent pas en considération cet aspect des choses, et c’est la raison pour laquelle certaines des techniques sont différentes dans leur finition. Dans leur cas, il ne s’agit pas d’un agresseur mais d’un ennemi. Quels que soient les pays, les situations deviennent identiques lors d’entrainements militaires : vous intervenez pour neutraliser, potentiellement définitivement, l’ennemi : on se trouve dans une situation de conflit guerrier. On n’a donc plus la même considération de réponse graduelle, mais plutôt une logique de réponse définitive.
Dans la majorité des cas nous enseignons à des civils que nous devons, à mon sens, sensibiliser à la légitime défense. Nos techniques sont déjà susceptibles de blesser gravement un agresseur violent et il n’est pas certain que l’interprétation de la légitime défense par un juge soit celle du texte dans son esprit. Il n’est donc nul besoin de réduire notre agresseur à un silence définitif.
Enfin, notre rôle d’enseignant est aussi d’éviter de montrer de tels gestes à des débutants. Nos gradés ont atteint une certaine maîtrise et peuvent envisager une recherche technique sur d’autres solutions (car on va travailler également la capacité à contrôler sa réponse). C’est normal. Nos débutants, non.
C’est un avis complètement subjectif, j’en conviens, mais qui reflète un état d’esprit qui me semble en vogue au sein de la FEKM et que j’ai reçu, en ce qui me concerne, de tous mes profs.
Pour conclure sur ce dossier, je vous recommande vivement de consulter le dossier très intéressant, complet et très bien fait sur la légitime défense et le droit de port d’armes rédigé par David Fitoussi (4ème Dan, Paris 15), sur son site autodéfense.net et qui pourra être complété par le dossier de Sébastien Vincentini (3ème dan, Bordeaux), sur son site.
KMCR – www.kmcr.fr