Et oui… vous en avez comme on dit… sauf que bon…. révisons l’objectif : partir point A, gnanana revenir point A…. Là dedans, à aucun moment il y a « aller point D (hôpital) » ou dans le meilleur des cas « aller point E » (commissariat/gendarmerie) pour garde à vue dans odeurs de chaussettes avariées (j’utilise soigneusement ce terme en raison des organisme vivants qui sont logés dans les mailles) mêlées au vomi laissé par le clochard qui a dormi précédemment sur la couche de la cellule de dégrisement (qui très souvent est la même que la cellule de garde à vue, faut pas se leurrer, l’Etat Français fait des économies depuis longtemps !). Donc là, zone d’incertitude… si je frappe le premier vers quoi je vais ? si je ne frappe pas en premier que m’arrive-t-il ? La zone d’incertitude va faire que finalement vous allez laisser un peu lâchement l’initiative sans, de manière très paradoxale, vouloir la perdre… On poussotte, on met des petits coups de tête, par contre on s’invective et on s’insulte (ça, l’invective c’est bon !)… En espérant que l’autre ne sur-réagisse pas et que sa seule réaction sera de réagir de manière identique ou quasi identique…. N’avez-vous jamais assisté à une bagarre où finalement le niveau d’agressivité s’accroît quand des tiers interviennent ? Et si ! Généralement c’est ce qui se passe car le tiers pense jouer un effet modérateur. Cela devient un peu le « lâche moi que je l’écrabouille »… La zone d’incertitude se lève en effet avec le tiers : c’est le « surtout ne me lâche pas non plus ! ». Mais, par son action et sa présence, le tiers rassure… Si je suis blessé, il y aura quelqu’un pour arrêter le fou d’en face. Si je deviens une brute assoiffée de sang, il y aura quelqu’un pour m’arrêter… Généralement l’action du tiers va soit agir comme déclencheur soit comme coup d’arrêt de la rixe potentielle (en entraînant le belliqueux à l’écart par exemple). La zone d’incertitude crée aussi le début d’un engrenage pervers… Comment reculer et se replier (le repli est stratégique, la fuite est le résultat de la panique) en pleine zone d’incertitude ? Baisser graduellement mon agressivité est souvent le moyen pour l’adversaire de monter la sienne d’un cran car il est rassuré sur son aptitude, croit-il, à faire peur.
« L’homme sage est celui qui connaît ses limites » (qui n’est pas une citation de Confucius, mais de l’inspecteur Harry) : si j’avais du me battre à chaque fois que je me suis fait « branché » dans ce vingtième arrondissement pourri, j’aurais pu faire carrière en MMA ! Finalement pour certains, la limite peut être de savoir que se sentir fort, c’est aussi être capable de se détourner de ce qui peut être plus simple de prime abord mais finalement tout aussi risqué… Si nous n’avons pas le choix, nous savons quelle réponse apporter, c’est quand nous avons un choix que le problème se pose : entrée ou dessert ? eau plate ou eau gazeuse ? « pétage de gueule » ou « rentrage tranquille » ? Cette zone d’incertitude existe aussi pour nous, pratiquants de Krav Maga. Soit on va soigneusement éviter les ennuis. Soit, si on n’a pas le choix, on est menacé, ne serait-ce que verbalement, et nous serons déterminés, quitte à utiliser en premier nos frappes les moins dangereuses (sauf dans le cas d’agresseurs supérieurs en nombre bien entendu) : un bon coup au plexus n’est pas bien méchant finalement, ne laisse ni trace ni séquelles, et nous laisse le temps de nous éloigner. Idem pour une petite frappe « claquée » aux parties avec le dos de la main. N’oubliez pas que dans toute « petite frappe » (dans le sens voyou cette fois-ci) , un avocat sommeille… Ils connaissent leurs droits et les procédures bien mieux que vous, et surtout, ils savent que vous pouvez être solvables s’ils portent plaintes. Sous leurs aspects de gros durs, ils sont souvent les premiers à aller porter plainte en cas de bagarre, car ils savent qu’ils peuvent peut être en retirer quelquechose… En outre, n’oubliez pas non plus les répercussions. Que se passera-t-il au quotidien ensuite quand ces petits voyous auront votre adresse (et oui, c’est ce qui se passe lors d’un dépôt de plainte, chacun a l’adresse de l’autre !). Ils vont vous « pourrir » la vie ? celle de vos proches ? Il existe plein de conséquences que l’on ne mesure qu’après-coup. Il est plus facile de répondre à une agression verbale hors de son quartier que là ou on habite….
Il existe des limites à cette théorie. Notamment, dans le cadre d’agression de tiers (amis, compagne, enfants…), ou d’une agression physique directe (vol à l’arrachée, vol à la portière, ou autres…). Plus de zone d’incertitude, car l’émotion va prendre le pas sur la réflexion. Plus de zone d’incertitude non plus dans « l »effet meute » : il suffit parfois qu’il y ait un seul déclencheur pour que les autres cerveaux basculent ainsi quasi simultanément tous aux abonnés absents.
Pourquoi pratiquants de Krav Maga (ou d’arts martiaux, ou de sports de combat en général) aurons-nous aussi cette zone d’incertitude ? Parce que nous savons que nous allons devoir agir avec détermination (qui est finalement un moyen de passer au dessus de sa peur) et que, par conséquent, nous allons devoir faire mal et également peut être prendre un mauvais coup. Nous reculons devant l’obstacle (le combat direct, tel que dans le cas n°1 vu plus haut) peut être parce que justement nous sommes encore capables de réfléchir à tout ça. Nous ne sommes pas certains de pouvoir agir avec le contrôle souhaité car la maîtrise des émotions requiert des années d’entrainement. Par exemple, un pittbull énervé nous fait peur alors que potentiellement nous sommes nettement plus fort que lui, ne serait-ce qu’en lui donnant un coup de pied. Un chat en furie est également un autre exemple. L’animal est déterminé et va se défendre comme si sa vie en dépendait, car très souvent il a peur. C’est cette animalité, qui est naturellement en nous, mais enfouie par des siècles de culture, des couches de civilisation et d’éducation, qu’il nous faut retrouver en cas d’agression. Être déterminé à faire mal, tout en essayant de conserver son jugement (devant vous empêcher d’en rajouter quand l’adversaire est hors d’état de nuire). Comme le disait mon camarade Jimmy Huvet à l’un de ses cours au « sanctuaire » du Krav Maga en France, le théâtre Trévise, « les émotions polluent l’efficacité de notre réaction ». Contrôler ses émotions (peur, colère, haine), c’est la difficulté, qui même après des années d’entrainement, fera qu’en situation réelle (si vous ne « cherchez » pas, les cas d’agression se comptent sur les doigts d’une main dans une vie; il faut aussi un peu dédramatiser !) le problème se posera de toute façon… On essaie de s’y entraîner, mais il est très très difficile de se préparer à ce que l’on subit dans une rixe réelle. Même les mises en situation n’en sont pas réellement. Elles ne constituent même pas une habitude de stress, car justement, le danger réel n’existe pas. Seule chose sur laquelle il nous faudra compter : les réflexes et notamment les mouvements que nous aurons appris avec l’entrainement et que l’on devra enchainer sous stress. Pourquoi Richard Douieb nous contraint au plus grand relâchement pendant l’apprentissage des techniques ? C’est parce que si ces techniques sont apprises pendant un état de pseudo stress, nous serons tendus et que reproduire ces techniques sous un stress réel s’avèrera presque impossible en raison d’une tension plus importante encore. Si nous les apprenons relâchés, alors nous aurons peut être une petite probabilité de sortir quelquechose le jour d’une agression réelle.C’est aussi, encore une fois, la raison pour laquelle faire du Krav Maga c’est répéter des techniques spécifiques (et limitées en nombre) qu’un prof ne pourra vous enseigner qu’en les ayant apprises avec un entrainement régulier pendant plusieurs années…
Quant à ceux qui ne jurent que par le Krav « pseudo réaliste », je leur conseille l’exercice suivant :
Paris, XXè arrondissement, parcourir un samedi de juin par beau temps entre 18h et 20h la rue Hélène Jakubowicz du sud vers le nord, puis se faire le retour quelques minutes plus tard (profitez-en pour acheter du pain rue de Belleville, pour complètement appliquer la théorie, en plus vous ne serez pas venu pour rien !)… Pas besoin de plus pour se créer du véritable stress… Ce n’est qu’un chemin de 300m au sein d’une petite cité parisienne (donc nettement moins violente que les véritables banlieues) tenue par une petite dizaine de « caïds », mais je garantis une vraie montée d’adrénaline, bien différente de celle pouvant être perçue au cours d’un entraînement « réaliste », et une véritable mise en pratique de la zone d’incertitude, et ils comprendront pourquoi il est souvent plus sage de préférer rentrer chez soi sans répondre aux provocations éventuelles… Ils seront alors ensuite prêts à réitérer l’exercice aux Tarterets, aux Minguettes ou dans les quartiers nords de Marseille…
Réfléchir au préalable aux conséquences permet souvent de les éviter.
Jérôme
Directeur Technique Krav Maga Center Rennes (KMCR)