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C’est la période du tournoi des 6 nations ! Et l’occasion de se poser la question « marronnier » : « le rugby : sport de combat ou pas ? »
Certains préfèrent éluder en périphrasant : le rugby est un sport de contacts, pas de combat. Comme le Hand ou le basket par exemple (l’objectif n’est pas de faire mal à l’adversaire).
Pour moi, qui ai joué au rugby en club pendant 14 ans, et qui pratique le Krav Maga depuis bientôt 10 ans, la réponse est assez simple et évidente. Cependant, je lis assez fréquemment des avis contraires. Essayons d’examiner (de manière subjective je l’avoue) les points de dissemblances et de ressemblances. Dans la suite de cet article, j’utiliserai le terme « les sports de combat traditionnels » (qui vont regrouper judo, boxe, kick boxing, boxe thai, MMA et le Krav Maga bien entendu… et bien d’autres) par opposition au rugby.
Les dissemblances :
Le rugby, sport collectif par excellence. L’objectif est un combat d’une équipe contre une autre. En quelque sorte, pour paraphraser Clausewitz, le rugby est l’expression de la guerre en temps de paix par un autre moyen (et de la politique aussi, cf coupe du monde de 1995 en Afrique du Sud ou Mandela fait sortir son pays de l’isolement).
Si au départ, le rugby s’apparentait à la guerre des boutons, avec le professionnalisme, cela n’est plus le cas. Finis les piliers ventripotents des années 70 qui évoluaient dans 10m autour des regroupements. Désormais les joueurs sont préparés et affutés pour livrer un combat contre un adversaire prédéterminé qui dispose de qualités spécifiques. On travaille plus la mêlée (puissance et force) pour affronter les argentins et plus l’endurance pour affronter les fidjiens. Même si cela reste collectif, il y a donc une préparation spécifique pour chaque adversaire. Enfin la médiatisation fait que l’on oriente le jeu et le règles vers plus de spectacle; comme si le 20è siècle ayant été celui des guerres, on souhaitait que le 21è soit celui de la violence contrôlée et non dégénérative (engouement pour les sports violents). Très souvent on considère que les combattants de free fight sont les gladiateurs des temps modernes. Mais les gladiateurs s’affrontaient aussi à plusieurs, il pouvait y avoir certaines formes d’alliances, et la Révolte de Spartacus donna lieu à un affrontement organisé contre la garnison romaine.
Equipe par excellence, un jour donné, les faiblesses des uns peuvent être compensées par l’implication des autres. Encore que… Chaque poste est important. Et un troisième ligne ne peut compenser le fait que son ailier ne soit pas « dedans » ce jour là. Finalement l’équipe dans son ensemble peut tout de même en pâtir. Par conséquent, on ne compense pas une faiblesse sur un poste par une utilisation accrue des autres joueurs, chacun devant être à son maximum ce jour là.
Dans un sport de combat traditionnel, on peut considérer que le combattant ne doit sa victoire ou sa défaite qu’à sa propre implication dans sa préparation et dans son match le jour J.
Enfin, l’objectif du rugby est finalement de dominer aussi territorialement son adversaire (d’où de nouveau ma référence à la guerre en temps de paix : les termes « occupation du terrain », « enfoncer le premier rideau défensif » sont directement issus des termes utilisés par les militaires). Le ballon pourrait aussi bien représenter un drapeau que l’on cherche à aller planter en territoire ennemi. Ce n’est pas le cas dans les sports de combat, où l’unique objectif est de dominer physiquement son adversaire et de le soumettre. Il n’a pas de territoire à défendre. L’ensemble du ring ou de l’aire de combat est neutre, il n’a pas à défendre son coin.
Les ressemblances
1/ La préparation mentale :
Pour ceux qui ont joué, tout le monde sait que le discours d’avant match d’un capitaine est un discours de combat : « on va leur marcher dessus, on leur fait mal sur chaque impact, on ne lâche rien, on fait l’effort de se relever et de se replacer, on ne subit pas… ». Car l’ascendant psychologique, tout comme dans un sport de combat traditionnel, est déterminant. Il existe aussi des retournements : celui qui semble subir peut parfois appliquer une stratégie ou tout simplement inverser la tendance sur un coup (cf la demie-finale de coupe du monde France – All blacks de 1999). Une psychologie du combat se comprend pour une sport pieds poings mais semble plus difficile à intégrer pour un sport collectif. Et pourtant, de manière surprenante, une équipe entière faite d’individualités psychologiques différentes peut lâcher ou se galvaniser également comme le ferait un individu. Il y eut un temps ou les discours d’avant match étaient encore plus guerriers (voire limites « on remonte la première mêlée et on ouvre la boite à gifles pour leur faire comprendre qui nous sommes »), où l’on se mettait des claques pour se stimuler (tiens, cela ressemble à certains combats de boxe) et faire grimper son agressivité…
2/ Le combat :
En rugby le combat est permanent. Arracher un ballon, déblayer, protéger, pénétrer une défense, plaquer. Pourquoi est-ce donc une action de combat ? Car en fait il s’agit de faire tout cela avec agressivité, et de défendre en avançant sur ses placages (généralement décrit sous le terme « tampon »). Comme dans un sport de combat traditionnel, il est plus facile de frapper en avançant qu’en reculant (encore que certains se sentent beaucoup mieux et soient plus efficaces dans une posture défensive/contre). Idem en rugby. Plaquer de manière active permet de créer un impact qui permettra peut être au joueur plaqué de lâcher le ballon, voire, dans le meilleur des cas, d’éliminer, en le blessant ou en l’amenuisant, un joueur et de forcer un remplacement qui peut perturber la bonne harmonie de l’équipe. Il existe donc une stratégie. Le placage pourrait par analogie être comparé au punch d’un combattant.
A ce stade, je ne résiste pas à l’envie de vous renvoyer à cette video, laquelle j’espère, vous montrera bien qu’il ne s’agit pas que de contacts : (certes, désormais certains de ces placages sont interdits : le rugby étant le sport qui pendant une période provoquait le plus de tétra ou paraplégies. C’est encore aujourd’hui un sport très difficile à assurer, et c’est la raison pour laquelle les règles haut niveau sont différentes des règles amateurs et qu’une coupe de France entre des clubs amateurs et professionnels comme au foot n’est pas possible : il y aurait des morts !).
En sport de combat, la stratégie consiste à déterminer rapidement la façon de combattre, les points forts et faibles de l’adversaire, et le perturber dans la propre application de sa stratégie. Les stratégies se rejoignent même si l’identification et la mise en place sont par essence plus rapides dans les sports de combat traditionnels.
3/ La détermination
Déterminés à avancer. Déterminés à entrer sur le terrain. Le rugby n’est pas qu’un sport de grands costauds, même si la médiatisation fait naître des icônes de « gladiateurs » des temps modernes.
Christophe Deylaud en sont temps pesait 72kgs pour 1m75 et « retournait de la viande » et des adversaires de 2m et plus de 120kgs.
Fabien Galthié était l’un des demis de mêlée les plus costaud de sa génération avec 84kgs pour 1m80. Que dire de Fouroux dans les années 70 ? 66kgs pour 1m62. Pour entrer sur le terrain, toutes époques confondues, où on allait s’affronter à des piliers de plus de 100kgs et des deuxième lignes de 2m, il fallait une dose de courage et de détermination. Avoir de la détermination c’est aller chercher un ballon haut quand on voit arriver sur soi quelqu’un de lancé à toute vitesse… C’est comme on dit au travers de ces expressions types du rugby, accepter d’aller mettre sa tête là où certains ne mettraient pas leurs pieds pour protéger un partenaire. Cela me rappelle immédiatement les combats durs de Krav Maga. Quel que soit le passé martial ou de sport de combat de l’adversaire, quelle que soit sa supériorité technique, la détermination doit rester totale. Idem, encore une fois en prenant l’exemple du Krav Maga, pour la réaction face à une agression.
4/ La technique et le nivellement physique
Pour faire suite directement au point précédent. Encore une analogie avec le Krav Maga, mais qui peut aussi se retrouver au travers du fee fight. Le nivellement physique existe, non pas par la frappe sur des zones sensibles, mais grâce à une technique meilleure. En free fight on pense immédiatement aux frêres Gracie lorsqu’ils ont introduit le JuJitsu Brésilien. Ils se retrouvaient peut être avec moins de qualités de puissance et de force que certains de leurs adversaires, mais développaient une technique qui les rendait supérieurs en combat. Le temps que leurs adversaires apprennent le JJB. En free fight, vous pouvez avoir des adversaires de gabarits différents auxquels il faut s’habituer. En rugby également. Il existe désormais moins de différences entre les arrières et les avants en raison de la vélocité et du déplacement sur tous les points du terrain des « Gros ». La technique et la « science » du placage, c’est ce qui permettait à Deylaud de retourner des 2è lignes.
5/ Les coups :
Coups de genou et coups de coude s’ils sont (normalement involontaires) sont régulièrement pris pendant un match.
Au risque d’agacer les pratiquants de sports de combat traditionnels, je dirais que les coups subis au rugby sont plus violents. Tous les coups que l’on prend de face, en étant au départ conscient qu’un choc peut arriver sont peut être plus précis et plus sujets à susciter un KO avec les sports traditionnels. Au rugby cependant, il existe tous les coups que l’on ne voit pas arriver. Déblayages, chocs pris dans les reins arrivant de l’arrière dans un maul… Ces coups là sont plus violents car l’organisme n’est pas prêt, ou plutôt, il est pris par surprise et donc pas dans une situation optimale pour absorber le choc. Ces coups/chocs là, moins précis, font pourtant beaucoup plus mal.
Enfin, il y a tout ce que l’on ne voit pas. Les crampons essuyés sur les cuisses ou les flancs, l’accumulation de partenaires (ou d’adversaires) pesant au total parfois près de 400kgs alors que vous êtes sous le regroupement… Tout cela, on le découvre à la douche, lorsque la boue ou l’herbe s’efface pour laisser apparaître toutes les zébrures, les bleus et les traces de chocs.
6/ Le défi
en Free fight… Le Stare down.
En rugby :
Avec la même charge émotionnelle… Et la même intox… Et le même respect de l’adversaire. Rappelons au passage que les chants introductifs Maoris sont des chants guerriers stimulant le combat.
7/ Les marques
Le sentiment d’être « lessivé », c’est à dire d’avoir passé plus d’une heure dans une machine à laver, programme essorage compris est je pense similaire au rugby et aux sports tels que le free fight ou la boxe. Il y a dans les deux cas une acceptation de la douleur et des coups. Il existe les visages marqués qui sont des signes qui ne trompent pas : avant les oreilles des premières lignes étaient un signe distinctif pour un pilier ou un talonneur, tout comme les pommettes enfoncées et les cicatrices d’arcades sourcilières l’étaient pour un boxeur. Il suffit de voir toutes les marques d’après match pour convenir qu’au rugby aussi les coups sont violents.
Si malgré tout ça les arguments ne vous paraissent pas convaincants… Il existe peut être des éléments permettant de nous rejoindre…
Ainsi que je l’avais dit en ouverture, j’ai analysé ce sujet avec subjectivité. Je reste convaincu qu’un rugbyman possède toutes les qualités d’un excellent combattant de free fight et inversement. Mais pour aller encore plus loin, tout sportif de haut niveau possède le mental qui lui permettrait de monter affronter sa peur sur un ring car il y a chez eux une volonté et une détermination qui peut aussi nous dépasser, nous autres humbles sportifs amateurs… c’est bien pour cela que nous admirons nos sportifs !
PS : Superbowl oblige, l’article aurait aussi pu porter sur le football américain…
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