Le krav Maga : pour qui ? les civils ? Les forces de l’ordre ? Les militaires ?
la plupart du temps, on vous vend le Krav maga comme l’ultra system total ultimate commando fight …
Soyons sérieux deux minutes…
Les forces de l’ordre (police, gendarmerie) peuvent s’intéresser au krav maga comme complément à leur formation initiale. Toutefois, souvenons nous qu’ils sont là pour neutraliser sans trop de dommages des personnes; mettre un coup dans les parties revient à faire un usage disproportionné de leur autorité… Ils portent une arme, certes, mais le cadre de son utilisation est tellement restreint (encore plus pour la police que pour la gendarmerie) qu’il vaut mieux ne pas en faire usage. En effet, le risque dans le pire des cas de mettre un terme à sa carrière, dans le meilleur des cas de faire des rapports pendant une demi journée pour expliquer pourquoi on a utilisé son arme et de dénombrer précisément le nombre de cartouches tirées… Dans le cas d’une neutralisation physique d’un individu, ils se doivent de faire très attention. Porter des coups est déjà limite… ils devront répondre devant leur hiérarchie, quand ce n’est pas devant un tribunal, de la nécessité d’avoir du agir de la sorte à ce moment là. Finalement, on peut même concevoir que les forces de l’ordre ont moins de droit à se défendre que les civils. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles ils privilégient aujourd’hui des méthodes de neutralisation plus « douces » (immobilisations, clés, contraintes, points de pression), souvent à l’aide du tonfa.
Les militaires n’ont quant à eux aucune contrainte de légitime défense. Ils sont armés, mais s’ils reçoivent l’ordre de tirer, c’est avec l’objectif de neutraliser la cible. On ne tire pas pour se défendre, on tire pour que la cible cesse de tirer ou qu’elle ne soit pas en mesure de commencer à tirer. La logique du corps à corps leur est finalement peu utile. Ils en font d’ailleurs très peu durant leur formation. Les forces spéciales, auxquelles se réfèrent nombre de « professeurs » de krav maga portent une arme de poing, un couteau et un fusil d’assault ou plus souvent un pistolet mitrailleur. Quel intérêt pour eux d’apprendre une méthode de corps à corps, si ce n’est pour capturer une cible. On l’a vu lors des récentes actions (Seals au Pakistan, commandos de marine en Somalie lors de la capture de pirates, service action lors de la tentative de libération de l’un des leurs), ils font essentiellement action avec leurs armes. Ils n’ont absolument aucun besoin de savoir faire du corps à corps puisqu’ils sont armés. La probabilité de devoir combattre un ennemi très rapproché, à mains nues, étant tellement faible, ils ne réservent qu’une faible part de leur entrainement aux techniques de close combat. Un rudiment de formation est donc donné à l’armée, que ce soit en France ou ailleurs, même en Israël, où Richard Douieb nous rappelle fréquemment qu’en Krav Maga les civils sont bien meilleurs que les militaires qui ne s’entrainent que sur une courte période, quand les civils pratiquent pendant plusieurs années.
Restent les civils. Oui, je pense que le krav maga est adapté aux civils. En prenant en compte la proportionnalité de la réponse, en intégrant un discours sensé lors de la formation, on intègre bien les contingences de la self défense et des problématiques judiciaires qui pourraient ensuite arriver. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles les techniques les plus avancées (de type militaire) sont réservées aux pratiquants les plus aguerris. Je suis toujours surpris de voir certains apprendre à désarmer un agresseur armé d’un couteau (quand ce n’est pas d’une arme de poing) pour ensuite retourner cette arme contre l’agresseur (alors même que la légitime défense a changé de camp). Je regarde également de manière assez circonspecte les personnes proposant du « tir tactique » ou du combat au couteau… Pour quoi faire ? Le port d’une arme est illégal de toute façon. Mieux vaut faire du paintball. C’est « jouer » à la guerre, mais au moins le pratiquant sait que cela reste un jeu. Apprendre le combat au couteau à des débutants de krav maga serait presque condamnable, car l’on va dans ce cas exhorter les stagiaires à porter un couteau par la suite (ou sinon, que l’on m’explique l’utilité de la chose ! Pour découper une côtelette le jour d’un barbecue ou lors de la fête du cochon de Plougourvest ?).
Toute cette admiration des armes au travers du Krav Maga va finalement servir qu’un unique but pour certains : essayer de faire croire que son Krav Maga approximatif (appris par internet, sur youtube, ou sur un stage coûteux de trois jours) est plus dur, plus réel, et plus proche de la réalité. Mais la réalité de quoi ? De la guerre ? Or, me semble-t-il, et je peux me tromper, mais je crois que nous sommes en paix… Copier par mimétisme ce qui se passe en Israël et l’appliquer en France relève selon moi d’une méconnaissance : 1/ parce qu’Israël demeure un pays en état de guerre (seules la Jordanie et l’Egypte on signé un traité de paix après la guerre du Kippour) et que la situation est bien différente. 2/ parce que chaque citoyen en Israël doit potentiellement devenir rapidement un combattant. En France, nous avons supprimé le service militaire pour laisser notre défense de citoyens reposer sur une armée de métier.
Le Krav Maga, c’était fait, dans l’idée d’Imi Lichtenfeld lorsqu’il l’a développé pour les civils, « pour que tout le monde puisse marcher en paix ». Avait-il perçu l’engouement pour sa discipline au niveau mondial ? Très certainement, mais c’est aussi pour cela que certaines techniques sont adaptées à des pays en paix (quand on désarme, on frappe avec le manche du couteau et non la lame par exemple, sauf si l’on forme des militaires).
Certes, en cas de guerre civile, dans une société privée d’institutions demain, les admirateurs du Krav Maga « armé » auront raison. Encore que… Menacer quelqu’un avec une arme c’est une chose. Presser une détente, c’est autre chose. C’est une démarche que de priver quelqu’un de sa vie.
Vis à vis des autres disciplines, cette logique d’intégration et de référence de l’utilisation des armes dans le cursus professoral de certains ou de certaines fédérations, dessert globalement la discipline. Cela dissuade, à mon avis, les gens de tous profils et tous horizons à venir pratiquer une discipline qui est essentiellement destinée aux civils. Cela dissuade aussi les mairies qui méconnaissent bien souvent le Krav Maga à donner accès facilement à des salles en raison de l’image sulfureuse qui peut être véhiculée sur le dos du Krav Maga authentique. Et, encore une fois, en raison d’un petit nombre, c’est la majorité qui subit les conséquences.
Visitez le site du club Krav Maga Rennes : www.kmcr.fr